Marcel Pernet vivait en marginal, dans son chalet situé au-dessus du Sépey, refusant les us et coutumes de la société, tels que le port de la ceinture de sécurité, du casque pour moto et cyclomoteur, refusant même de s’assurer pour la maladie, bien qu’ayant les moyens de payer des assurances privées. Il faisait des économies afin de pouvoir payer cash ses frais médicaux ou une quelconque intervention médicale.

Marcel, 85 ans, homme au grand cœur, aurait pu se la couler douce et vivre paisiblement dans un chalet de Leysin, dont il est propriétaire. Je l’ai souvent incité à y habiter, mais sa réponse fut toujours la même: «Il est écrit dans la Bible: tu ne feras pas de mal à la veuve et à l’orphelin». Cela pour expliquer que la dame qui y logeait avait perdu son mari et vivait avec son fils (de plus de 30 ans) et que tant qu’elle voudrait y habiter, il ne l’en délogerait pas.

Il a donc choisi de vivre dans son chalet à Beaulieu au Sépey, dont l’accès est très dangereux à pied ou en voiture. Chaque sortie de sa place de parc était une expédition. Il craignait toujours que l’on emboutisse sa vieille 2CV (dont il était très fier et qu’il affectionnait particulièrement pour la simplicité de sa mécanique). La vitesse n’étant pas limitée à cet endroit, il risquait sa vie chaque jour en sortant de chez lui. Il avait bien placé un miroir, mais celui-ci s’avérait peu efficace dans ce virage.

Il m’avait offert gratuitement l’eau de la source qui partait de son domicile, et contrôlait régulièrement depuis plusieurs années, si le tartre n’avait pas bouché la conduite qui alimentait ma citerne. Auparavant, mon chalet sans eau n’était pas habitable.

Il critiquait tout, n’était jamais content, mais toujours très heureux de vivre.

La neige de cet hiver n’a pas facilité ses déplacements. Je l’ai invité à manger un jour à midi et ne le voyant pas venir, comme il ne répondait pas au téléphone, je suis monté chez lui. J’ai entendu des gémissements et l’ai trouvé coincé contre la barrière de la route, il s’était encoublé et avait glissé dans le talus. Trois quarts d’heure de lutte à tenter de se relever ! Je l’ai trouvé frigorifié et l’ai hissé péniblement dans cette pente enneigée, puis l’ai soigné.

Suite à cela, il ne sortait plus de chez lui. Sa santé de fer l’avait abandonné.

Il n’était, malgré son grand âge, pas du genre à se plaindre, quand je lui demandais «comment ça va?», il me répondait: «en devenant vieux, rien ne s’arrange». Je lui cuisinais souvent des petits plats qu’il attendait chaque fois impatiemment. Je lui avais laissé quelques provisions avant de partir en voyage et avant qu’il soit hospitalisé. J’ai appris son décès alors que j’étais à l’étranger. Il est décédé à l’Hôpital le 20 janvier 2013, lui qui espérait tellement dépasser en âge son papa, mort à passé 95 ans.

L’endroit, sans Marcel l’Irréductible, ne sera plus le même.

Michel Ginier

1 Commentaire

  1. Bonsoir,

    J’ai été particulièrement touchée par votre article qui dépeint mon oncle tel qu’il était.
    Je suis une de ses deux nièces par alliance, et nous n’avons appris son décès que dernièrement. Ma mère l’avait eu au téléphone à l’occasion de la nouvelle année.
    Le livre s’est refermé mais je garde en moi le souvenir des nombreux bons moments passés au chalet Beaulieu, quand nous étions enfants, avec mes frères, mes parents, mon oncle et ma tante.
    Les parties de luge dans la pente, l’igloo qu’il nous avait construit, les sapins de Noël qu’il allait couper pour nous dans la forêt..merci pour tout cela, merci pour lui.
    Bien cordialement.
    Agnès Bourreau-Antonio.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.