Lettre à Monsieur le Syndic de la Commune d’Ormont-Dessus, député et candidat aux prochaines élections pour le Grand Conseil, suite à la chronique parue sous votre plume en page 2 de la dernière édition du Cotterg, sous le titre :
“Afin de couper court aux rumeurs fausses qui circulent sur Isenau, la Municipalité désire rétablir la vérité”
Dans cet article, vous expliquez M. le Syndic : que vous êtes membre du Comité de pilotage (COPIL) de la vision “Alpes Vaudoises 2020” que dans le cadre des séances de ce comité, vous avez plusieurs fois dit qu’un projet, prévoyant un grand chamboulement de notre domaine skiable, n’était imaginable que si la population était intégrée à la réflexion. Que le groupe de travail “remontées mécaniques” qui a présenté le dossier au COPIL n’avait pas tenu compte de vos remarques et que même si les notes de séances du COPIL font ressortir qu’il a été accepté à l’unanimité, ce n’est pas le cas, car vous vous êtes abstenu pour les raisons évoquées ci-dessus.
Pensez-vous que l’abstention défende la cause d’Isenau ?
L’abstention est un phénomène connu que l’on observe dans toutes les votations, elle semble traduire un désintérêt des citoyens pour la vie publique et politique. En revanche, lorsqu’un élu s’abstient dans un choix décisionnel, j’aurais tendance à dire que le courage est devenu une vertu rare en politique.
Croire un seul instant que l’abstention est une solution est une véritable erreur d’appréciation et une démission tant politique que citoyenne. La vie, en général, est marquée et traversée par des choix. Ne pas exprimer son choix est un manque de prise de responsabilité et une forme de démission. Cette image tranche avec la traditionnelle image de démocratie modèle de notre système politique, qui offre sans réserve cette liberté d’exprimer son choix, son avis, sa position, ou encore son désaccord.
Comment peut-on s’abstenir sur un sujet aussi engageant pour l’avenir de notre Commune, lorsque l’on est élu du peuple ? Certains clament haut et fort que s’abstenir c’est choisir, que l’abstention peut revêtir un caractère militant, c’est à mon avis une erreur, car s’abstenir fausse grandement l’avis d’une majorité de citoyens, précisément dans le cas de ce dossier. Seule exprimée massivement l’abstention peut revêtir ce caractère actif et militant, pour autant qu’il s’agisse d’un acte politique conscient et motivé. Ce qui n’est pas le cas en présence. S’abstenir c’est perdre sa voix.
S’abstenir au sein d’un petit groupe de travail, n’a pas plus de sens que d’effet, et surtout cela ne traduit pas la volonté populaire.
Si tout le monde s’abstenait, le 11 mars prochain, lors des élections au Grand Conseil vaudois, qu’en penseriez-vous, M. le Syndic ?
J’aurais voulu vous exprimer mon inquiétude de vive voix à l’occasion d’une séance, que vous auriez pu tenir dans votre commune pour vos concitoyens, afin de présenter votre candidature au Grand Conseil et votre vision parlementaire pour la prochaine législature, notamment par rapport à ce dossier, qui comme vous le savez, nous préoccupe beaucoup. Je regrette que vous n’ayez pas envisagé une telle rencontre dans votre commune.
La “Vision Alpes Vaudoises 2020” défend deux principes de base, vous l’avez rappelé d’ailleurs, qui sont : La Grande Boucle avec notamment la suppression du domaine d’Isenau et le principe des grandes pistes… ! Rappelons aussi que dans ce projet utopique, est prévu le démontage de l’installation au départ du Pillon. Les contribuables vaudois apprécieront eux aussi… après la facture de la faillite de 2005 de Glacier 3000.
Une très grande majorité de la population, des résidents et des amis des Diablerets veulent sauver Isenau et ne veulent pas d’un projet utopique. Faites-le savoir, M. le Syndic, ne vous abstenez plus.
Cordialement.
Christian Reber, février 2012
Les Diablerets
Monsieur Reber,
Cher Christian,
J’espère que tu ne m’en voudras pas de te tutoyer comme nous l’avons toujours fait.
Faire passer un message à travers un article du Cotterg est souvent un exercice d’équilibrisme à cause de la place que nous avons à disposition. Pour l’article que tu critiques, j’avais pour moi 2300 caractères (espaces compris). C’est peu et pas facile de tout expliquer. Pour exemple, pour m’expliquer ton interprétation de mon abstention et pour me dire que tu ne voteras pas pour moi le 11 mars (ce qui n’est pas un scoop), tu as eu besoin de 3835 caractères.
Si je me suis abstenu, ce n’est pas par désintérêt de ma commune ou parce que je ne me soucie pas de la vie des citoyens. Dans les séances du COPIL la variante proposée pour les remontées mécaniques des Diablerets par le groupe de travail concerné changeait à chaque fois et nous ne savions pas avant la séance ce qu’il y aurait dans le document.
Je me suis abstenu parce que je suis Syndic d’une municipalité qui fonctionne collégialement et que nous n’avions pas pu discuter de ce document. Les enjeux sont beaucoup trop importants pour ne pas respecter cette règle fondamentale à la bonne marche de nos institutions. Par respect pour notre démocratie et pour le fonctionnement de notre municipalité je pense que j’ai eu la bonne attitude. Si j’avais décidé tout seul, tu aurais probablement été parmi les premiers à me le reprocher.
Si nous voulons sauver Isenau, ce n’est pas avec des articles populistes, dignes de l’aile zurichoise d’un parti qui a beaucoup plus de chance d’avoir tes suffrages que moi que nous y arriverons, mais c’est en tirant tous à la même corde et en expliquant à toutes les communes des Alpes Vaudoises pourquoi nous avons besoin d’Isenau. Le financement du canton nous est indispensable et ça passe par un accord de toutes ces communes.
Depuis la rédaction de l’article, la municipalité a pris formellement position. Nous avons refusé de valider le projet actuel de « masterplan remontée mécanique » de la vision Alpes Vaudoises 2020. Un groupe de travail local a été formé pour élaborer un dossier qui doit nous permettre d’intégrer Isenau dans cette vision.
Pour terminer, je t’informe que si tu veux me dire les choses en face, mon numéro de natel est sur le site de la commune et à disposition de tout le monde. Je n’ai jamais refusé un rendez-vous à un citoyen de ma commune.
Meilleures salutations.
Philippe Grobéty
Syndic
Cher Philippe,
Comme Christian, j’ai également été choqué par cet article du Cotterg.
Pour moi, l’abstention n’est et ne sera jamais une solution, sauf en cas de conflit d’intérêts où l’élégance du geste doit l’emporter.
Tes excuses ne sont pas acceptables.
Soucis de collégialité au sein de la municipalité, c’est trop facile, deux exemples:
– la décision prise en juin dernier de lever le moratoire sur les résidences secondaires et d’instaurer un règlement provisoire n’a-t’elle pas été prise en l’absence du municipal en charge du dossier et sans le tenir au courant?
– les municipaux ont-ils tous eu l’occasion de se prononcer sur l’octroi récent du permis de construire et le changement d’affectation de l’Hôtel des Diablerets?
La séance du COPIL s’est tenue, avec toi, le 2 décembre 2011, le conseil communal le 15 décembre 2011. Tu avais plus de 10 jours pour discuter avec tes collègues de ces enjeux si importants pour notre avenir et de décider d’une prise de position ferme et courageuse en vue de sauver Isenau.
Je conçois que c’était plus simple, comme cela s’est passé, de laisser le Dr. Peter Furger tâter le terrain sans bouger, scénario d’ailleurs déjà écrit par le COPIL (prise de température), en servant par surprise le Conseil en pâture à ce merveilleux communicateur.
Il semble que depuis, la municipalité aurait enfin formellement pris position, mais avec ou sans ton abstention?
Quand aux accusation de populisme adressées à Christian, c’est amusant, j’ai trouvé la définition suivante:
«le populisme est une accusation dont se servent les politiciens au pouvoir (et ceux qui les soutiennent) contre ceux qui leur reprochent de ne pas se servir de leur pouvoir dans l’intérêt du peuple» (fr.liberpedia.org/Populisme).
Notre district compte 8 députés au Grand Conseil, tu en fais partie.
Vous prétendez tous, surtout en période électorale, défendre nos intérêts, mais aucun n’a jugé nécessaire de dénoncer ce projet mégalo, Master Plan Remontées-Mécaniques, Alpes-Vaudoises Vision 2020. Le seul soutien nous est venu par une interpellation de Jérôme Christen, député veveysan. Dommage qu’on ne puisse pas voter pour lui.
Pour en terminer, et comme Christian te le demande, merci de ne plus t’abstenir, bien entendu sauf lorsque tes intérêts personnels ou ceux de ta société seraient trop en jeux.
Bien à toi
Claude-Alain