Avertissement : L’histoire qui va suivre ne va pas débuter par «Il était une fois…» car c’est un conte réel! Ainsi toute ressemblance avec des personnages et des faits existants, ou ayant existé, n’est pas fortuite. Mais voulue…

C’est le 24 décembre 2014, la neige est enfin là et une épaisse couche recouvre la vallée. C’est la fin du jour, la nuit tombe gentiment sur la contrée et un magnifique clair de lune fait scintiller les milliers de cristaux du blanc manteau neigeux. Comme chaque année à pareille date, chacun se prépare à passer cette veillée de Noël de la plus heureuse façon.

Quelques-uns se sont emmitouflés d’habits chauds et rejoignent la petite église centenaire qui, bien chauffée, les attend avec un sapin richement décoré. D’autres s’apprêtent à réveillonner en famille autour d’une belle table dressée pour la circonstance. D’autres, plus modestes, vont vivre cette soirée comme toutes les autres de l’année, à savoir qu’après avoir «soupé», ils iront se coucher pas trop tard! Il y a bien sûr les «accros» de la TV qui, une fois assis devant, ne vont plus bouger si ce n’est pour zapper d’une chaîne à l’autre. Il y a aussi les malades ou ceux qui ont eu la peine de perdre un être cher. Pour eux, la soirée sera peut-être longue, sûrement triste. Et il y a enfin les enfants, petits et grands, pour lesquels ce sera une fête où l’on va recevoir les cadeaux commandés au Père Noël. Chacun est impatient de savoir si la lettre écrite au vieillard à barbe blanche et bien arrivée.

Il y a de la lumière dans chaque chalet, lumière douce, diffusée par le sapin garni avec amour, de guirlandes, boules réfléchissant le scintillement des bougies et donnant une chaleur bienfaisante à la pièce, où tout le monde s’est réuni.

Tiens, on entend comme un bruit de grelots venant du fond de la vallée, le bruit se rapproche et voilà qu’apparaît le magnifique attelage du Père Noël. Celui-ci, tout de rouge vêtu, conduit d’une main sûre et douce le Renne qui tire le traîneau, chargé on ne peut plus de cadeaux. Il y en a des gros, des petits, des riches, des modestes, tous emballés de papier étoilé et solidement attachés par des rubans multicolores. Quelle montagne de présents, et dire que nous sommes en pleine crise économique! Laissons de côté les soucis passagers et suivons le parcours de l’attelage du Père Noël.

Mais que se passe-t-il? Voilà que le traîneau ralentit, une forte buée sort des naseaux du Renne Gaston, c’est son nom, qui s’arrête et se retourne vers le Père Noël. Il lui dit tout essoufflé:

-Ecoute, Père Noël, je n’en peux plus! Je deviens vieux et le chargement est pesant. Je n’arriverai pas à finir notre tournée. Rentrons dans ton pays où tu pourras prendre un jeune renne costaud pour me remplacer. «Je ne peux pas plus loin!»

-Mais Gaston, lui répond le Père Noël, c’est impossible, on ne peut pas abandonner notre tournée en ce moment. Tu te rends compte de la déception de ceux qui nous attendent cette nuit, la déception de voir que sous le sapin ou devant la cheminée, il n’y aura rien. Non Gaston, c’est impensable, fais un effort!

-Père Noël, ce n’est pas de gaieté de cœur et par mauvaise volonté que je te propose de me remplacer, mais je ne peux pas continuer…. Attends, en réfléchissant bien, je crois me souvenir que près d’ici, j’ai aperçu l’année passée une écurie où il y avait des chevaux! Si on allait voir s’ils peuvent nous dépanner.

-Bonne idée Gaston, allons voir s’il y a possibilité de sauver ma tournée et de remplir mes engagements.

Après avoir cherché un moment, le Renne repère l’endroit et le traîneau s’arrête derrière le chalet «L’Abri».

-Tiens, il y a de la lumière à l’écurie. Le propriétaire a sûrement laissé allumé pour la nuit de Noël.

Le Père Noël regarde par la porte et découvre deux chevaux finissant leur repas du soir. Il y a dans un boxe Naphtaline, une magnifique jument blanche (sa mère s’appelait du reste Neige d’Avril) et dans un boxe attenant, Pierrot, adorable poney shetland alezan et bien dodu.

-Bonsoir les chevaux! lance le Père Noël en ouvrant la porte. Je suis en train de faire ma tournée de livraison de cadeaux, mais voilà: en arrivant aux «Planzalards», Gaston, mon Renne, a eu une défaillance. Il a de la peine et m’a conseillé de passer vers vous pour voir si vous pourriez nous dépanner.

-Pourquoi pas, répond Naphtaline, que peut-on faire pour vous rendre service?

-Et bien, en te voyant en pleine forme, ne pourrais-tu pas, Naphtaline, remplacer Gaston au traîneau pour que je puisse poursuivre mes livraisons?

-Père Noël, je comprends la situation, mais vois-tu je suis une vieille jument, j’ai 34 ans. Je commence à avoir de l’arthrose aux genoux. Mais où le problème est le plus grand, c’est en voyant l’harnachement de ton Renne, je ne pourrai jamais l’enfiler, il est trop petit pour moi!

-Ah, là tu as raison, Naphtaline, je n’avais pas pensé à ce détail. Mais alors pourquoi pas Pierrot, je suis sûr que le collier lui ira. Qu’en penses-tu, Pierrot?

-Ce n’est pas l’envie ni le courage qui me manquent, lui répond Pierrot, mais quand je vois la grandeur du chargement, j’hésite. D’autant plus qu’avec mes petites jambes, j’aurai de la neige jusqu’au ventre et ne pourrai avancer !

-Ne t’en fais pas, rétorque le Renne, tu verras, une fois attelé au traîneau, cela va tout seul.

Ainsi la décision est prise. Le Père Noël passe le collier à Pierrot sans oublier bien sûr la «grelotière». Il l’attelle, monte sur son siège et… hue Pierrot! Celui-ci donne un bon coup de rein pour «décoller» le traîneau et… ô miracle! il ne sent pas le poids du chargement et en plus, n’enfonce pas dans la poudreuse… Il vole!

Le voilà parti avec ce sympathique Père Noël. Ils vont de chalets en chalets, déposant là où il y a des enfants sages un peu plus de cadeaux que là où les enfants sont un peu plus turbulents!

De temps en temps, Pierrot découvre devant une porte soit une pomme, soit une carotte que les petits de la maison ont déposées pour le Renne du Père Noël. Il se délecte de ces gentilles attentions. De son côté et par le froid qu’il fait, le Père Noël sort de sa poche une petite fiole et boit une «golée» de gentiane pour se réchauffer le corps et l’esprit.

Pendant ce temps à l’écurie, en grignotant soit un brin de paille bien fraîche, soit un fétu de foin, Gaston le Renne et Naphtaline la jument, ont lié conversation.

Gaston raconte le bonheur et la chance qu’il a eus en devenant le Renne du Père Noël. Il a ainsi parcouru chaque année des milliers de kilomètres autour de la planète et même ailleurs. Quand il faisait beau comme ce soir, c’était un réel plaisir, parfois c’était plus dur, lorsqu’il faisait une «monstre couesse», mais toujours avec la satisfaction d’avoir rendu heureux ceux qui recevaient des cadeaux, lors de son passage.

Naphtaline quant à elle, raconte sa joie et sa reconnaissance d’avoir trouvé une famille qui l’a aimée dès les premiers jours. Elle raconte comment elle aussi a parcouru des kilomètres de sentiers montagnards qui n’avaient souvent que la largeur de deux sabots pour cheminer. Mais sa plus grande joie date de l’année 2011 où elle a eu le bonheur d’avoir sur son dos la troisième génération de sa famille d’accueil, une petite cavalière du nom de Stella.

On repasse beaucoup de souvenirs en ayant aussi une pensée pour un autre équidé, l’âne de la crèche qui, il y a plus de 2000 ans, soufflait sur la couche du nouveau-né pour le réchauffer.

Le temps passe ainsi dans la tiédeur de l’écurie, quand tout à coup on entend le bruit sympathique des grelots du traîneau du Père Noël qui a fini sa tournée et s’arrête dans la cour. Il dételle Pierrot qui, heureux de l’aventure, rejoint son box.

Le vénérable vieillard à la barbe blanche harnache à nouveau son Renne, remonte sur son traîneau, non sans avoir auparavant remercié les partenaires de cette veillée de Noël, mis une poignée de foin dans les box et distribué un ou deux biscômes qui restaient au fond de sa hotte.

Hue Gaston! On rentre…

Les lumières des chalets se sont éteintes. Même la lune s’est couchée, et dans l’aube naissante, dans une traînée de paillettes brillantes, le Père Noël et son traîneau sont repartis.

Michel Tille
Décembre 2014

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