Cher Albert,

Là d’où tu es, tu dois regarder nos futiles préoccupations d’humains avec ce regard amusé et malicieux que tu avais au Four à pain de La Forclaz, quand dans la fin d’une nuit qui tardait à se coucher, ou le petit matin qui traînassait pour se lever, on préparait ensemble le feu dans le four, pour la cuite du pain artisanal.

Sur ce ton tranquille qui était le tien, tu m’apprenais les finesses du chauffage: mettre un peu plus de braises à gauche, parce que là, le four est attenant au mur extérieur, donc toujours un peu froid; pas trop de feu dans le fond, parce que les flammes peuvent ressortir par les tuyaux d’aération… Je t’appelais «Mon Maître du Feu», toi mon aîné d’une douzaine d’années, et ça avait le don de te faire rigoler à chaque fois. C’est vrai qu’avec toi, cette tâche confinait à l’art, tant tu la prenais à coeur. Et je me demandais toujours quel plaisir, toi le boss d’une belle entreprise, habitué à diriger du personnel, tu trouvais à cette humble tâche de fournier. Parce que ton plaisir n’était pas feint, suffisait de voir ton petit sourire satisfait…

Le chauffage, c’était quelques heures de tranquillité dans l’aube naissante, en attendant l’arrivée des boulangers. C’était surtout l’occasion de causeries matinales au coin du feu. L’occasion de se remémorer nos pêches en rivières de naguère, chacun de notre côté. Et cela sur fond de musique folklorique que diffusait le poste de radio que tu amenais à chaque fois. La vigne, l’élaboration du vin – ton métier qui te passionnait – tu m’en parlais aussi, avec la même sérénité que tu mettais à m’inculquer la maîtrise du feu. J’avais le sentiment que tu étais un homme heureux, ici, au Four à pain. Et dans ta vie, aussi, qui paraissait bien remplie. En tout cas, c’était un vrai moment de bonheur que de te côtoyer.

Tu n’es plus là et tu nous manques. On entend souvent cette phrase, c’est vrai… Mais maintenant, je sais que ce ne sont pas que des mots.

Adieu, Compagnon. Je m’associe à la douleur de ta famille.

Gilbert

 

1 Commentaire

  1. je m’associe à la douleur de la famille et présente mes condoléances
    tu vas manquer à beaucoup de monde Albert …
    Nadine la maman de ton filleul

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